L’article 44 quindecies du Code général des impôts (CGI) prévoit un dispositif d’exonération sur les bénéfices pour les entreprises créées ou reprises dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2020.
Au titre des conditions requises pour bénéficier de ce régime, figure l’absence d’extension d’activités préexistantes. Est exclu du régime à ce titre l’entreprise qui bénéficie d’un contrat de partenariat lorsque l’entreprise créée bénéficie de l’assistance du partenaire (enseigne, nom commercial, savoir-faire, approvisionnement…) telle que l’entreprise est placée dans une situation de dépendance.
Dans le cas d’espèce, une infirmière libérale ayant créé une entreprise individuelle dans une ZRR a conclu un contrat de collaboration avec l’un de ses confrères ayant pignon sur rue, et procède à un rescrit fiscal sur l’application à son entreprise du régime d’exonération de l’article 44 quindecies du CGI.
Après avoir demandé des précisions, l’Administration fiscale souligne que le contrat de collaboration comporte plusieurs stipulations de nature à exclure l’entreprise du bénéfice de l’exonération fiscale :
– la stipulation selon laquelle le collaborateur s’engage à consacrer tout le temps nécessaire à la patientèle du titulaire, ce dernier étant détenteur de sa propre patientèle,
– l’existence d’une clause de non-concurrence en cas de rupture du contrat de collaboration
– l’incessibilité du contrat de collaboration libérale.
L’Administration tire de ces stipulations que le contrat ne permet pas de se constituer une patientèle personnelle et prévoit une interdiction de réinstallation à son échéance, ce qui caractériserait une situation de dépendance, exclusive du régime d’exonération ZRR (Tribunal administratif de Strasbourg, 21 avril 1998, n°96761).
Au regard de l’Administration, l’entreprise serait donc exclue du dispositif d’exonération.
L’Administration fiscale procède toutefois à une lecture trop légère du contrat de collaboration en cause.
En effet, elle omet de relever que celui-ci contient plusieurs stipulations de nature à tempérer son analyse, notamment :
– la réalisation d’un planning d’activité d’un commun accord entre le titulaire de la patientèle et la collaboratrice, par journée ou demi-journée,
– le rappel au principe de libre choix du praticien par le patient, principe d’ordre public,
– la possibilité pour le collaborateur de « continuer » à exercer son activité auprès de sa patientèle propre en cas de rupture du contrat.
En outre, il convient de rappeler que l’Administration elle-même, dans sa doctrine (BOI-BIC-CHAMP-80-10-10-20 n°140) considère que la situation de dépendance suppose un examen des circonstances de fait, et donc la réunion d’un faisceau d’indices, au titre desquels figure la clause de non-concurrence, dont la présence ne peut donc être interprétée plus largement que faisant partie d’un tel faisceau. La présence d’une clause de non-concurrence est donc insuffisante en elle-même pour emporter la qualification de dépendance économique.
Ces arguments, tendant à faire reconnaître l’application du régime d’exonération ZRR, étant repris dans notre réponse à l’Administration fiscale, cette dernière se range dans ce cas d’espèce à notre position, toutes autres conditions d’application du régime étant réunies, et accorde le bénéfice de l’exonération à l’entreprise.
Si la solution s’avère ici positive pour l’entreprise, la discussion met en valeur l’importance de la rédaction du contrat de collaboration libérale, et ce pour l’ensemble des professionnels libéraux, les modèles-types fournis par les Ordres étant souvent insuffisants.
Autre enseignement à tirer de cette affaire : l’Administration fiscale se questionne quant à l’assimilation des contrats de collaboration entre professionnels libéraux à une situation de réseau entraînant une dépendance économique.
Dans le cas d’espèce, l’Administration a fort heureusement renoncé à retenir ce critère, le contrat de collaboration libérale étant un moyen habituel pour les professionnels libéraux de débuter leur activité, et pour les professionnels en exercice de trouver un successeur.
Priver d’une exonération fiscale bienvenue en démarrage d’activité aurait été malvenu alors même que les secteurs ruraux peinent à attirer de nouveaux